Maehaa Nui

Le tahitien et l’anglais pour enseigner une matière scolaire : recherche collaborative à l’école de Maeha’a nui

Les partenaires

Présentation générale

Le présent projet prolonge, d’une part, la recherche encouragée par le gouvernement de la Polynésie française depuis dix ans sur l’enseignement des langues polynésiennes et sur le plurilinguisme (voir Nocus, Vernaudon, & Paia, 2014) et, d’autre part, celle déjà effectuée sur l’Enseignement de Matières par l’Intégration d’une Langue Étrangère (ci-après EMILE) dans le contexte polynésien (voir Gabillon & Ailincai 2015).

Il vise à engager une recherche collaborative entre des enseignants-chercheurs de l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation (ci-après ESPE) et l’équipe pédagogique d’une école primaire. Son objectif est de mettre en œuvre une approche éducative qui utilise le tahitien et l’anglais pour enseigner une matière scolaire (voir Gabillon, Vernaudon, Marchal, Ailincai, & Paia, 2016). En d’autres termes, il s’agit d’enseigner en langues plutôt que les langues, conformément aux recommandations de la Commission européenne (cf. infra).

Ce projet s’appuie également sur la restitution des résultats du dispositif Reo-C3 (Nocus & Salaün, 2014) qui recommande en particulier :

  • d’engager une réflexion didactique sur les champs disciplinaires à aborder en priorité en tahitien puisqu’il est impossible de les aborder tous ;
  • de renforcer l’articulation entre les langues afin de développer les capacités métalinguistiques des élèves ;
  • d’augmenter les séances en petit atelier.

En accord avec l’IEN de la 8ème circonscription (Punaauia), un premier contact a été pris en septembre 2015 avec le directeur et les enseignants de l’école élémentaire Maeha’a Nui, dans l’environnement proche de l’ESPE, pour leur exposer le projet et leur proposer cette démarche collaborative. Deux enseignantes se sont portées volontaires pour mettre en place dans leur classe des séances expérimentales d’enseignement des sciences en tahitien et en anglais.

De manière plus générale, le projet offre l’occasion d’informer les enseignants et les conseillers pédagogiques sur les approches novatrices dans l’enseignement des langues et d’impliquer tous les membres du personnel de l’école de Maeha’a Nui, les parents d’élèves et la commune de Punaauia dans la création d’un environnement plurilingue.

État de l’art sur EMILE

L’utilisation d’une langue étrangère ou seconde pour enseigner une matière scolaire est pratiquée depuis les années 1960 notamment en Amérique du nord et son efficacité a été prouvée dans des contextes bilingues (Cummins, 1998 ; Cummins & Swain, 1986). Dans les milieux éducatifs européens le terme EMILE a commencé à être utilisé à la fin des années 1990. L’approche EMILE est recommandée dans le cadre de la politique linguistique européenne et elle est identifiée par la Commission européenne comme un sujet éducatif prioritaire (Eurydice 2006). Elle est également préconisée par le ministère de l’Éducation nationale. De plus en plus de travaux de recherche en éducation et en apprentissage d’une langue étrangère et seconde tiennent compte des théories socioculturelles (Vygotsky, 1978). Dans cette perspective socioculturelle, la théorie de l’activité (comme une extension de la théorie socioculturelle de Vygotsky) constitue également un cadre cohérent pour la théorisation de l’apprentissage d’une langue étrangère et l’acquisition d’une langue seconde (Lantolf 2006). Dans la théorie de l’activité, la tâche constitue le composant principal de l’apprentissage. L’utilisation des situations de la vie réelle, ainsi que des situations d’apprentissage par l’expérience – qui favorisent la participation active des élèves -, sont considérées comme des méthodes efficaces dans l’apprentissage des jeunes apprenants (Coyle, et al, 2010). Ces aspects sont aussi au cœur d’EMILE.

Actions

Le projet prévoit une préparation commune de séances conçues en tahitien et en anglais, à raison de deux séances par semestre, selon le protocole recommandé dans le cadre EMILE. Les séances mises en œuvre par les deux enseignantes volontaires sont filmées puis analysées. Par ailleurs, une enquête par questionnaire et entretien est réalisée auprès de deux enseignantes sur leurs pratiques et leurs représentations, en début, milieu et fin d’année scolaire.

Durée prévisionnelle : année scolaire 2015-2016 puis 2016-2017 dans le cadre d’un suivi de cohorte.

Résultats attendus

Ce projet doit permettre de :

  • créer un lien entre la recherche et la formation en réunissant autour d’une démarche commune différents participants, ayant diverses fonctions et responsabilités au sein du système éducatif en Polynésie française.
  • tendre vers un enseignement en langue (approche EMILE) du tahitien et de l’anglais
  • réactiver la fonction communicative du tahitien dans l’espace quotidien
  • articuler l’enseignement des langues (didactique intégrée) pour :
    • favoriser les transferts interlangues
    • développer la conscience épi et métalinguistique
  • créer un environnement plurilingue
    • en augmentant l’exposition aux langues dans l’espace scolaire
    • en engageant les familles locutrices dans la transmission des langues polynésiennes aux enfants
  • augmenter les compétences des enseignants
    • dans leur pratique pédagogique
    • en langue tahitienne et anglaise

Les observations réalisées à l’occasion des séances expérimentales enrichiront la réflexion sur les programmes de formation des enseignants et des formateurs de formateurs (conseillers pédagogiques, maîtres formateurs, animateurs) sur les approches novatrices dans l’enseignement des langues.

Bibliographie

Coyle, D., Hood, P., & Marsh, D. (2010). Content and language integrated learning. Cambridge: Cambridge University Press.

Cummins, J. & Swain, M. (1986). Bilingualism in education: Aspects of theory, research, and practice. London: Longman.

Cummins, J. (1998). Immersion education for the millennium: What have we learned from 30 years of research on second language immersion?  In M. R. Childs & R. M. Bostwick (Eds.), Learning through two languages: Research and practice. Second Katoh Gakuen International Symposium on Immersion and Bilingual Education. (pp. 34-47). Japan : Katoh Gakuen.

Eurydice Network. (2006). Content and language integrated learning (CLIL) at school in Europe. Brussels, Belgium: Retrieved from http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/thematic_studies_archives_en.php

Gabillon, Z., & Ailincai, R. (2015). Multilingual primary education initiative in French Polynesia. Procedia-Social and Behavioral Sciences, 174, 3595-3602. (Elsevier ISSN : 1877-0428).

Gabillon, Z., Vernaudon, J., Marchal, E., Ailincai, R., & Paia, M. (2016, January). Maeha’a Nui: A Multilingual Primary School Project in French Polynesia. The IAFOR International Conference on Language Learning. Official Conference Proceedings (pp. 137 – 152), Hawaii, United States. ISSN: 2189-1044.

Lantolf, J. P. (2006). Sociocultural theory and L2: State of the art. Studies in Second Language Acquisition, 28 (01), 67-109.

Nocus, I., Salaün, M. (2014). L’enseignement renforcé du reo mā’ohi au cycle 3 comme prévention et lutte contre l’illettrisme en Polynésie française. Rapport d’évaluation, Université de Nantes & École des Hautes Études en sciences sociales.

Nocus, I., Vernaudon, J. & Paia, M. (dir.), (2014).  L’école plurilingue en outre-mer : Apprendre plusieurs langues, plusieurs langues pour apprendre. Rennes: Presses Universitaires de Rennes.

Vygotsky, L.S. (1978). Mind and society: The development of higher mental processes. Cambridge, MA: Harvard University Press.